À Fabrice.

Une soirée. Place de la Bastille. Le café Français. Pas forcément branché. Un verre de vin et des bretzels salés : appréhender le mystère d’une autre personnalité. Se rencontrer. Entre rires et phrases ébauchées, les silences habités. Laisser le temps couler. Les lumières se sont baissées. Le moment de s’en aller. Il est arrivé. Un homme. Trente huit ans. Gilles. Couvreur. Il boit. Il s’est assis. Dialogue à trois. Reflet de l’impossible en soi. Lui redonner une parcelle d’humanité. L’écouter déverser les tourments d’un destin saccagé. Histoire sans fin d’un drame qui pourrait être commun. Je ne dis rien. Tourbillon du malheur dans un puits sans fond. Douleur au plus profond. La colère face à la vraie misère. Sentir qu’il n’y a rien à faire. Je suis KO, mise à mal à chacun de ses mots, trop de maux. Dépassée. Oppressée par l’injustice et ses absurdités. J’ai mal et je prends la main de mon voisin. S’accrocher à lui pour ne pas sombrer. Sa générosité. Capacité à résister contre vents et marées. Il n’a pas cessé de plonger dans les morceaux coupants de cette existence brisée. Eclatée. Le café va fermer. Nous sommes sortis, partis, séparés de lui. Prendre un taxi. Je suis abasourdie. Je ne sais plus le sens de la vie.