Je venais d’avoir l’agrément pour adopter un enfant. Je savais où je voulais adopter. Au Maroc. A Meknès. La fondation Rita Zniber. Le nid. Une association fondée par une française mariée à un marocain. Je suis allée à l’orphelinat. Au 5ème étage de l’hôpital. Je suis montée. Je suis allée dans la pouponnière. J’ai fait un tour. Et je l’ai vu. Il était là. Tout petit. Il avait à peine un mois. Il dormait. Il était dans les étagères. C’est comme des étagères pour les tout-petits, ils sont les uns à côté des autres. Pas dans un lit. Il. Il était si petit. Je l’ai vu. J’ai su. C’était évident. C’était mon fils. (Elle est émue) Rhamsa. C’était. Evident. Je suis restée là à le regarder. Et. (Elle se reprend) En fait, maintenant, je me dis que je voulais voir les enfants pour voir s’il y aurait une rencontre. J’étais préparée à la rencontre. Je crois que les enfants ne viennent pas par hasard. Pas n’importe où. Je crois qu’on accueille un enfant. On le rencontre. Encore plus dans l’adoption. Je crois. Je. Il était tellement mignon. (Elle sourit) Je suis restée là un moment. Longtemps. Je crois que si j’avais pu, je l’aurais pris dans mes bras, là, avec moi, et j’aurais pris l’avion, avec lui, et je serais rentrée en France, directement. (Elle s’arrête) Je suis allée voir la directrice de l’orphelinat. Elle m’a dit qu’il manquait un papier mais que, bien sûr, si tout était en règle, il « était pour moi ». Elle a bien vu qu’il se passait un truc. D’ailleurs, une femme est passée devant la porte avec un bébé dans les bras, je ne pouvais pas le voir, mon sang n’a fait qu’un tour, je me suis retournée, c’était Rhamsa, elle l’emmenais chez le pédiatre. (Silence) Je suis retournée le voir régulièrement pendant 3 mois. Je faisais du bénévolat à l’orphelinat. Je m’occupais des autres enfants et je m’occupais de lui. C’était tellement. (Elle hésite) Evident. (Elle hésite) C’était mon fils. Quand je partais, je lui laissais un tee-shirt. Elle m’avait bien dit qu’il manquait un papier. Je savais que ça pouvait ne pas marcher. (Silence) Un jour, elle m’a appelée pour me dire que Rhamsa était adopté dans sa famille. Une grande tante je crois. J’ai beaucoup pleuré. (Silence) Quelques mois plus tard, pas beaucoup, deux je crois, je suis retournée là-bas. (Elle hésite) Après tout je voulais adopter un enfant. Il y avait peut-être un autre enfant qui m’attendait. Bref. J’y suis retournée. Je monte les 5 étages. J’arrive dans le bureau. Et l’assistante sociale me dit : « C’est drôle, je pensais à vous justement. » « Ah bon, La rencontre Version du 14/02/17 16/18 pourquoi ? » « Parce que la maman de Rhamsa vient d’appeler, elle vient le chercher, là, maintenant, dans 10 minutes. » Mon coeur a sursauté. Il était toujours là. J’ai eu de la peine pour ces deux mois de plus qu’il avait passé là. J’ai hésité une fraction de seconde. J’ai eu peur d’avoir tellement de peine. Et puis non, bien sûr que j’allais le voir. Je l’ai pris dans mes bras, je lui ai dit qu’il allait être heureux. Que c’était super les moments qu’on avait passés ensemble et qu’il serait heureux. J’ai pu lui dire au revoir. Une femme est venue le chercher. J’allais partir, je suis passée devant la pièce ou les familles voient leurs enfants. Une femme est sortie. Elle m’a proposé de rentrer. C’était la mère de Rhamsa. Sa mère. Pas moi. Il était là, entre nous deux. Elle savait que j’avais voulu l’adopter. Combien de chance sur un million. Il était là entre ses deux destins possibles. C’était comme une brèche dans l’espace vie. C’était fou. Je lui ai caressé la tête. Et je suis partie. (Elle s’arrête) Un ami m’avait dit que c’était un peu égoïste de créer un attachement alors que ce n’était pas sûr que je puisse l’adopter. Il m’avait dit que ce serait comme un deuxième abandon. Je ne crois pas. Je crois que l’amour est toujours bon à prendre. Je crois que c’était bien comme ça. (Elle s’arrête) C’était. (Elle hésite) C’était une vraie rencontre. De destin.